- LETTRISME
- LETTRISMELETTRISMEC’est en 1942 qu’apparaît pour la première fois le mot «lettrisme», sous la plume d’Isidore Isou, né en Roumanie, à Botosami, le 31 janvier 1925. C’est lui qui érige en une véritable théorie ce qui n’était alors qu’un procédé, avec la publication de son Introduction à une nouvelle poésie et à une nouvelle musique (Paris, 1946). Le plus lointain ancêtre semble être Aristophane avec Les Oiseaux ; mais, plus proches de nous, on peut trouver des précurseurs non moins célèbres chez les futuristes russes et italiens, chez les dadaïstes phonétiques avec Hugo Ball, en la personne de Pierre Albert-Birot, pour les passages phonétiques de son «polydrame» Larountala . La première manifestation lettriste, qui fait suite au manifeste d’Isou paru dans La Dictature lettriste , a lieu le 8 janvier 1946, à la salle des Sociétés savantes, à Paris.Il s’agit pour le fondateur de cette école de rendre au poète le matériel poétique dans sa substance primitive, en faisant admettre que les lettres ont une autre destination que les mots. Le poème naîtra des mélanges inattendus de lettres, en mettant l’accent sur sa stricte valeur sonore et non pas sur sa signifiance, en attirant l’attention sur sa matérialité. Ainsi cet extrait d’un poème d’Isou, «Je te suis dans tes îles, Gauguin»: Hioké! Kioké! Rkioké / Koklikokette! / Haîhaîîarara / Gui! Tahitiha tapapaoula! / Tapapaoula! tahitipé!Dans la revue Ur , no 1 (1951), le lettriste J. L. Brau interprétait le recours à une langue primitive de «cris» comme la dernière chance de la poésie, voire son avènement historique: «En évoluant vers l’approfondissement de la poésie, traversant, dans le rétrécissement obligatoire du matériel, le poème (Baudelaire), la phrase (Verlaine) et sa destruction (Rimbaud), le mot (Mallarmé) et sa dévalorisation (Tzara), Isidore Isou apporte LA LETTRE .» Mais les lettres n’existent pas complètement, notre alphabet vit d’un manque que le poète lettriste devra combler par des lettres «inouïes», cueillant dans la réalité d’alentour chaque son susceptible d’être une nouvelle lettre. Ainsi la poésie devient «symphonie de voix», dont le rythme n’est pas dicté par la signification des mots et, partant, appelle une «lecture lettrique» proche de celle d’une partition, «lisant» non seulement les lettres mais aussi les signes de ponctuation, respiration chiffrée du poème «lettrique». Le poète à l’écoute de sa propre langue s’attachera à son apport créateur spécifique, alliant en une synthèse nouvelle poésie et musique, vers son complet achèvement en un art nouveau, ni musique ni poésie: La Lettrie.Aux côtés d’Isidore Isou, Maurice Lemaître, Gabriel Pomerand, François Dufrêne, Roberto Altmann, Jean-Louis Brau, Charles Dobzinsky, Jacques Spacagna et bien d’autres contribuèrent à cette recherche d’un nouvel ordre poétique qui se diversifia avec le temps en manifestes de poésies concrètes, phonétiques, verbophonétiques et visuelles, jusqu’à l’abandon partiel du livre pour le microsillon, la salle de concert ou le cinéma, le collage ou l’affiche. Initialement proche de ce mouvement, Guy Debord s’en sépara très vite pour fonder le situationnisme.• 1945; de lettre♦ École littéraire d'avant-garde, qui préconise l'emploi d'onomatopées dans des poèmes dénués de sens, les signes idéographiques, etc. — N. et adj. LETTRISTE .lettrismen. m. Litt. école poétique fondée par Isidore Isou vers 1945, qui s'attache à la musique et au graphisme des lettres pour elles-mêmes et non au sens des mots.⇒LETTRISME, subst. masc.LITT. École littéraire d'avant-garde, fondée par Isodore Isou en 1946, préconisant la proscription du mot au profit du son, de la lettre. Le surréalisme, en rendant droit de cité aux mots bannis par un goût trop étroit (...) n'était pas allé jusqu'à cette proscription du langage, réclamée par Dada dès 1916. C'est cette condamnation que le « lettrisme » prononce, sans se soucier de savoir si les mots mis en liberté pourront reconstituer un langage (P. DE BOISDEFFRE, Une hist. vivante de la litt. d'auj., Paris, Perrin, 1962, p. 611).Prononc. : [
], [le-]. Étymol. et Hist. 1947 (ISIDORE ISOU, Qu'est-ce que le lettrisme? Bilan lettriste ds Fontaine, n° 62). Dér. de lettre; suff. -isme.
lettrisme [letʀism] n. m.ÉTYM. 1945; de lettre.❖♦ École littéraire qui préconise l'emploi d'onomatopées dans des poèmes dénués de sens, les signes idéographiques, etc. || Qu'est-ce que le lettrisme ?, texte d'Isidore Isou (1947).0 (…) le lettrisme est un produit de remplacement, une imitation plate et consciencieuse de l'exubérance dadaïste.Sartre, Situations II, p. 241.
Encyclopédie Universelle. 2012.